TOUCHER LES PLAIES DE JÉSUS …
Par Jean Joseph Stenger source NSAE (nous sommes aussi l’Eglse)

2e Dimanche de Pâques : Évangile de Jean, 20, 19-31
. Les apôtres sont confinés au Cénacle de Jérusalem, la chambre haute où Jésus avait célébré la Cène. Nous sommes au soir de Pâques. Les apôtres ont verrouillé les portes à double tour, par peur des juifs. Ils avaient peur de subir le même sort que leur Maître.

Marie de Magdala et les autres femmes leur avaient annoncé la Bonne Nouvelle : « Jésus est vivant, nous l’avons vu, il est ressuscité ! » Mais ils avaient du mal à les croire. Ils les prenaient pour des illuminées, des rêveuses. On ne leur fait pas confiance. D’ailleurs, de ce temps-là, les femmes n’ont pas le droit de témoigner au tribunal. Leur parole ne compte pas.

Mais, au fait, où sont les femmes ?

Marie de Magdala, l’apôtre des apôtres, Jeanne, Marie, mère de Jacques et surtout Marie, la Mère de Jésus, où sont-elles, ces femmes qui étaient restées debout, fidèles, près de la croix, pendant que les apôtres s’étaient enfuis, ces femmes, premières témoins de la résurrection, où sont-elles ? On les retrouve dans les actes des apôtres, après l’Ascension, dans l’attente de l’Esprit Saint : « les apôtres se retrouvent dans la chambre Haute, assidus à la prière, avec quelques femmes, dont Marie, la Mère de Jésus ». (Actes 1, 13),

Mais en ce soir de Pâques où sont-elles, ces femmes qui, depuis la Galilée, « accompagnaient Jésus et les apôtres et les aidaient de leur biens » (Luc 8,2). Elles étaient à l’écart, dans l’ombre… peut-être à la cuisine…
J’ai pensé à elles en regardant les célébrations de Pâques à la télé. Lors de la Vigile Pascale, à l’église de Saint-Germain l’Auxerrois, il y avait des évêques mitrés, des monseigneurs en violet, il y avait des robes, oui, mais pas une seule femme.

. Le dimanche de Pâques, la messe sur France 2, en studio, était belle, les chants des 3 dominicains étaient beaux, 2 femmes sont sorties des coulisses pour faire les lectures, puis elles ont disparu ; elles n’ont même pas eu le droit de communier, parce que « à cause du confinement, seules les prêtres communient ». Est-ce le retour en force du cléricalisme que le pape François avait condamné dans sa lettre au Peuple de Dieu ? (20 8 2018)

. Jésus rassure les apôtres ; il leur offre sa paix. Il leur montre ses mains et son côté, les plaies de sa Passion. Et les disciples sont remplis de joie. Pâques n’efface pas le Vendredi Saint. Même si le Christ ressuscité n’a pas le même corps qu’auparavant, on le reconnait aux marques des souffrances qu’il a subies.

. Reconnaître le Christ Ressuscité.

Aujourd’hui encore, on ne peut reconnaitre Jésus ressuscité que si on accepte de le rencontrer aussi dans les personnes qui souffrent. Vous avez sans doute écouté le pape François lors de la bénédiction Urbi et Orbi. Il n’a oublié personne, des malades, des personnes seules, des soignants qui donnent leur vie, jusqu’aux pauvres des périphéries des villes, les prisonniers, les victimes des guerres, de la misère, l’Irak, le Liban, le Mozambique, Lesbos, etc.
. En ce temps de confinement, ce matin, je pense à toutes les femmes qui travaillent dans l’ombre, des Alsaciennes, mais aussi, souvent des immigrées, femmes de ménage, dans les sociétés de nettoyage, qui nettoient les escaliers des immeubles, les lieux publics, des emplois souvent précaires, mal payés. Elles travaillent dur, pour leurs enfants…
. Oui, reconnaitre le Christ ressuscité, en touchant les plaies de ceux qui souffrent, aujourd’hui, en cette période difficile pour beaucoup. « Ce que vous faites au plus petit des miens, c’est à moi que vous les faites. »
Je pense à cette infirmière en EHPAD, 60 ans, d’origine étrangère.                                                      C’est sa fille qui raconte : « souvent, le matin, quand elle entre dans une chambre, la personne alitée à la peau ridée et au corps frêle lui demande doucement de lui prendre la main.

L’infirmière hésite un instant, mais ne peut refuser une telle demande. Elle a le cœur qui se serre et s’approche du lit. Elle enlève son gant, et prend cette main dans la sienne. Elle rassure, soulage, panse, avec un seul remède : son humanité. Ensuite elle va scrupuleusement se laver les mains et remet ses gants pour retourner travailler.

Elle sourit derrière son masque. On le voit à ses yeux qui se plissent légèrement et se mouillent d’émotion. Dans cet Ehpad où, en un mois, il y a eu une quinzaine de morts atteints du Covid-19, la solitude et la détresse des résidents, confinés dans leur chambre individuelle, grandissent de jour en jour… »
Toucher la main… toucher le cœur…
Thomas n’était pas là ce soir-là, quand Jésus est venu au Cénacle. Il a du mal à croire, et on le comprend. Parfois il est bien difficile de croire…
Thomas veut des preuves. Il est un peu le prototype de l’homme moderne, qui veut des preuves, qui veut tout vérifier, démontrer, tout voir, tout prouver, tout maitriser.
Ils étaient nombreux ces dirigeants, ces décideurs, ces technocrates, qui pensaient tout maitriser, dans leurs bureaux, avec leurs ordinateurs, ils voulaient maitriser la production, l’économie, le budget, parfois en demandant à ceux d’en bas de faire des sacrifices, en oubliant que sans les ouvriers, sans les ASH, les aides-soignantes, les infirmières, sans les invisibles, tous ces travailleurs de l’ombre, rien ne pourrait marcher… jusqu’à ce que vienne ce petit virus…
Ils disent maintenant qu’ils vont se « convertir »… Ils parlent de solidarité, de fraternité, d’humanité… on verra.

. Lors de la messe à la chapelle Sainte-Marthe, le lundi de Pâques, notre bon pape François commentait l’Évangile où les grands prêtres paient les soldats pour qu’ils racontent que les disciples ont volé le corps de Jésus durant la nuit (Matthieu 28, 8-15) :
« Après la pandémie, est-ce que notre défi, notre pari, sera la vie, la résurrection des peuples ou sera, par le dieu argent, retrouver le tombeau de la faim, de l’esclavage, de la fabrication des armes, des enfants sans éducation ? Le Seigneur dans notre vie personnelle, dans notre vie sociale, nous aide à choisir l’annonce de la Pâque qui nous porte à choisir le bien des gens et à ne pas tomber dans le tombeau du dieu argent ? »

. Essayons de profiter de ce temps de confinement, pour prendre un peu de temps, personnellement, ou en famille, pour réfléchir :
Qu’est-ce que je pourrais changer, améliorer ? Qu’est-ce que nous pourrions changer ?
§ Dans notre vie de famille, notre vie ensemble, dans nos relations…
§ Dans notre manière de vivre, de consommer, en évitant le gaspillage, en respectant la nature ?
§ Dans notre attention aux plus pauvres de notre monde, qui se battent pour survivre, pour vivre mieux, avec leurs organisations, soutenues en particulier par le CCFD ? (voir le site du CCFD)
Prenez soin de vous, prenons soin les uns des autres.
La vie est plus forte que le mal et la mort.