L’heure de Vérité !
En partenariat avec le MCR du diocèse de vannes, la librairie lorientaise « Quand les livres s’ouvrent » avait invité Véronique MARGRON à venir nous parler de la crise de notre église et tout particulièrement des abus commis par plusieurs prêtres et religieux dénoncés dans son dernier ouvrage : Un moment de vérité. L’actuelle Présidente de la CORREF (Conférence des Religieux et Religieuses de France) est avant tout dominicaine et théologienne, spécialiste des questions d’éthique. Pendant près d’une heure, dans un style très direct, les mots ont fusé avec précision, parfois radicalité et toujours beaucoup de justesse. Convaincue, elle a été convaincante. Il est vrai qu’elle fait partie des responsables de notre église catholique française et qu’à ces différents titres elle a été amenée à recevoir et à entendre beaucoup de victimes de ces abus de toutes sortes.
Pendant plus d’une heure, véronique Margron a tenu en haleine ses auditeurs (plus de 150 personnes) et malheureusement le temps nous a paru trop court, tant il restait de questions rentrées quand elle a dû nous quitter. Je vous livre, ci-dessous, mes notes que j’ai rassemblées à l’issue de ce très beau moment de recherche de la vérité. Henri COUDRON
Pour enfin connaître la vérité (ou du moins une partie de cette vérité) sur tous ces abus, la CEF (Conférence des Evêques de France) et la CORREF ont décidé, il y a déjà plus d’un an de créer une commission d’enquête indépendante et d’en confier la direction à Jean-Marc Sauvé. Commission qui, en particulier, entend les victimes. Selon Véronique MARGRON, la commission qui a reçu plus de 3000 victimes n’en est qu’à ses débuts et elle estime qu’en enlevant tous les freins – et ils sont divers et nombreux – c’est 3 fois plus de victimes qui seraient venues relater les abus de confiance, les abus de conscience et les abus sexuels commis par les criminels.

Pour nommer les maux de ce scandale, Véronique MARGRON, parle de crime, de silence et de secret.

Le Crime : La victime de ces viols, de ces agressions sexuelles de tous ces abus est en état de survie, sans projet. Complètement renfermée sur elle-même, elle n’envisage que le moment présent ; il y a urgence à l’aider, à l’accompagner. A contrario, l’institution Eglise est dans la durée, son temps est lent et long ! Et pourtant, c’est bien maintenant qu’il faut faire la lumière et qu’il faut faire justice. La commission Sauvé tente de faire la lumière, n’hésitons pas à lui apporter soutien et aide. Faire justice d’abord et avant tout en faisant en sorte que les coupables soient dénoncés, identifiés, reconnus et traduis devant notre justice. Oui, c’est bien de crimes dont il s’agit et si nous sommes confrontés à ce genre de situation, si nous avons connaissance de tels méfaits, n’hésitons à aider la justice. C’est indispensable, c’est normal et c’est même obligatoire ! (elle rappelle que l’abus sexuel est toujours précédé d’un abus d’autorité hiérarchique, morale, spirituelle en utilisant le nom de Dieu, c’est un crime de l’âme… ce qui, à ses yeux, amplifie le Crime et qu’en cela l’abus sexuel se différencie de l’agression sexuelle)

Le Secret : S’il existe des bons secrets, il y a aussi des secrets terrifiants. Le mal subi devient un tombeau. Et trop souvent, ce secret a été imposé par l’église aux victimes et à leurs proches, arguant qu’on n’allait quand même pas jeter l’opprobre sur l’église et ses ministres. Mais alors qui est le lieu du scandale ? Celui qui dénonce et signale la vérité ou celui ou celle qui a commis le mal ?

Le silence : très voisin et très lié au secret. Silence et secret que l’on rencontre souvent dans la famille. La famille où s’exercent d’excellentes valeurs telles que la solidarité, la transmission, l’intergénération, l’Amour…mais où naissent également des mœurs condamnables : on lave son linge sale en famille, on ne veut pas de scandale, on impose le silence, la victime est contrainte à se taire. Dès lors le mal subi s’enfouit au plus profond de l’être, de son intime. Recouvert, mais toujours présent, par la vie (études, travail, amour…). L’église s’est comportée en grande famille imposant le silence, préservant le secret et niant le crime.
Alors pourquoi donc, si longtemps après (20, 30, 40, 50 ans), venir salir l’Eglise ? Le but n’est pas de salir mais de faire la vérité. Mais tout simplement parce que le mal subi persiste toujours, la douleur des abusés reste réelle et vive et met encore la victime en danger, et parfois de mort. Enfin tout crime doit être jugé, le criminel doit pouvoir se défendre mais doit être jugé. Aidons les victimes à faire le 1er pas, à se libérer et sachons que c’est douloureux. La douleur s’était figée, lorsqu’elle ressort elle est intacte et le sentiment de honte, voire de culpabilité, est très fréquent. Même des dizaines d’années après, la victime a le sentient que ça s’est passé hier !

Véronique Margron cite le reportage diffusé sur ARTE et repris plus récemment sur la chaine parlementaire (témoignages de religieuses abusées et violées) pour tenter d’expliquer les mécanismes psychiques, moraux, spirituels qui sont intervenus et qui interdisaient alors la parole de dénonciation. La personne qui entre en vie religieuse est encore en construction (d’ailleurs chaque humain est en éternelle construction) et face aux désirs d’ouverture, de générosité, d’envie inhérentes à la personne…le prédateur utilise la confiance, la Foi, l’abandon, le sacrifice des valeurs prônées par la communauté religieuse ; en utilisant souvent le nom de Dieu. Prédateur, Gourou…qui retourne et envoute la victime pour son seul plaisir, sa jouissance. Il asservit l’autre pour l’abus sexuel et parfois le nom de Dieu arrive à sceller le tout !!! Monstruosité.

Alors quelles pistes pour se relever ?
Il faut s’ajuster à la hauteur des victimes qui, dit-elle, sont aujourd’hui le corps du Christ. L’église doit avoir des pratiques plus évangéliques, plus humaines. Les victimes sont expertes de leurs souffrances, il faut les entendre et reconnaitre dans leurs propos les questions que nous devons nous poser.
Il faut repenser la place des laïcs et des femmes en particulier dans notre église. Chercher comment faire autrement, pratiquer l’altérité et la diversité, mêler, faire en sorte que nos communautés ressemblent davantage à la réalité humaine et sociétale.
Il faut quitter l’entre-soi, l’enclos, notre confort douillet…autant de lieux et d’habitudes où naissent les dérives et abus. (le plus grand danger est tragiquement au plus près)
Il faut une église qui respire plus facilement, plus sainement, plus évangéliquement.

 

3 questions rapides après la conférence :
. La victime peut-elle aller mieux, voire guérir après témoignage? V.M. : Guérir totalement, il faut l’espérer mais ce sera difficile et long. Aller mieux sans doute. Elle cite la parole d’une victime « Maintenant que je vais mal, je pense que je commence à aller mieux ». Oui la parole libère car elle permet de nommer les actes et les acteurs, la victime peut dire le mal subi.
. Peut-on , doit-on obliger une personne à parler (cas d’un neveu) V.M. : Non, il ne faut pas l’obliger ce serait peut-être perçu comme un nouvel abus. Mais on peut lui dire que l’on est inquiet de son attitude, qu’on voit bien qu’il souffre, lui suggérer qu’on peut l’aider, l’accompagner…
. Question sur un écrit de Benoit XVI datant de 2018 V. M. : Il a été le 1er pape à réellement s’attaquer au fléau en prenant les 1eres mesures concrètes et en faisant preuve de lucidité et de courage. En revanche elle ne partage pas son analyse sur une partie des causes qui seraient dues selon Benoit XVI à l’abandon de Dieu par la société ( 68 et ses conséquences : liberté à tout crin, égoïsme, individualisme…).
Pour en savoir plus : Un moment de vérité de Véronique Margron chez Albin Michel.