Un prophète de notre temps!    

Amos bouvier et piqueur de sycomores – incisait donc les fruits pour les rendre plus doux et avancer leur maturation – entend un appel et répond positivement. Il dit oui à Dieu pour assumer une brève mais importante mission. 

 

Selon ses propres paroles, Jésus n’est « pas venu abolir mais accomplir » la Loi ou les Prophètes. C’est la raison pour laquelle nous trouvons à plusieurs reprises dans les Évangiles l’expression « afin que s’accomplît la Parole de l’Écriture ». Les deux Testaments (attention le mot testament vient du latin testamentum qui signifie alliance) ne « sont donc ni opposés ni indépendants : ils n’existent que l’un par l’autre (1) ».

Cela dit, il n’échappe à personne que la composition des textes des Évangiles est remarquablement élaborée, que leur structure matérielle est particulièrement travaillée et que leur contenu sémantique, autrement dit le choix des mots, est extrêmement soigné. Donc chaque mot a son importance, son sens, sa nécessité : il faudrait en permanence se demander pourquoi tel mot est employé et quel message l’auteur a voulu nous transmettre en le choisissant ?

Mettons cela en pratique en nous amusant avec le mot sycomore. Le sycomore est un arbre plusieurs fois cité dans la Bible. D’abord, dans les Écritures, l’arbre est le symbole de la vie et de la régénérescence. Il est une figure de la sagesse et du lien entre Dieu et l’Homme. Rappelons-nous qu’au centre du jardin d’Eden se trouvent « l’arbre de vie » et « l’arbre de la connaissance du bien et du mal ». Pour commencer, gardons-nous d’un premier faux-sens : le sycomore que nous connaissons en Europe est une sorte d’érable ; il n’a rien à voir avec le sycomore du Proche-Orient qui est de la famille des figuiers. Ce dernier ressemble au figuier par le fruit et au mûrier par la feuille d’où son nom du grec sukon = figuier et môron = mûre. Son fruit qui pousse directement sur le tronc est d’un blanc jaunâtre, d’un goût fade et pour le rendre comestible, on le pique avant la maturité pour en faire écouler le suc âcre et laiteux. Ce fruit destiné au bétail améliorait la lactation.

Le prophète Amos qui a vécu 8 siècles avant le Christ se dit « berger et piqueur de sycomore ». Par ces termes, il se définit comme étant en bas de l’échelle sociale, le berger vivant parmi ses bêtes à l’écart « des gens haut placés » et le piqueur de figues effectuant une tâche dévalorisante. C’est pourtant lui que Yahvé a choisi pour prophétiser.
Dans St Luc, Zachée, qui contrairement à Amos est riche (mais méprisé), grimpe dans un sycomore pour voir Jésus. Il est logique qu’il monte dans cet arbre dont les branches sont peu élevées au-dessus du sol (contrairement à celui de nos contrées dont les premiers rameaux sont très hauts) mais pourquoi ne pas dire simplement « un arbre » ?.

Toujours chez St Luc : « si vous aviez de la foi comme un grain de sénevé (moutarde), vous auriez dit à ce mûrier (sycomore) : déracine-toi et plante-toi dans la mer et il vous aurait obéi ».

Enfin, preuve de l’importance sociale de cet arbre, quand le roi David met en place l’organisation militaire et civile de son royaume, ne nomme-t ’il pas Baal-Hanân le Guedérite comme préposé aux oliviers et aux sycomores du bas-pays ? (1 Chroniques 27,28).
Voici donc notre sycomore, apparemment arbre des pauvres, des parias et des méprisés qui se révèle comparse d’un prophète ou qui élève le pécheur jusqu’à Dieu ou révélateur de la puissance la foi (car quand on voit un sycomore de 15 mètres d’envergure, on comprend qu’il n’est pas facile à déraciner !)

Ainsi, comment douter de l’importance symbolique du sycomore dans les Écritures ? Il n’est pas le seul d’ailleurs : le figuier est un signe de prospérité, l’amandier de renouveau.
Alors, le sycomore ? Un simple arbre cité au hasard ou une métaphore de « l’ascenseur du salut » ?
(1) Yves-Marie Blanchard, professeur à l’Institut catholique Paris, directeur de l’Institut supérieur des études œcuméniques.